Par PIO
MAYOTTE DEPARTEMENT FRANCAIS? Bon, admettons ! Notons toutefois que cette île volcanique, paradis de l'Océan Indien, et plus précisément du Canal de Mozambique, bien que présentant une nature quasiment identique à la Martinique et à la Guadeloupe, s'en différencie par les caractéristiques de sa population, de sa culture et de son histoire.
Les Mahorais ne parlent pas un quelconque "créole", reflet et fruit d'un métissage initial, mais UNE VERITABLE LANGUE, ( le Shimaore, et le Shibushi, teinté lui de Malgache ), langue africaine riche d'une culture ancestrale, de références, de sensibilité et de concepts, langue de grande beauté susceptible de tout exprimer, et qu'aucune départementalisation, aucune colonisation ne saurait prétendre abolir ou supprimer.
Le peuple mahorais est littéralement oblitéré par son folklore, ses chants, ses danses traditionnelles hautement symboliques. Il a aussi sa religion "nationale", l'Islam; un Islam populaire, pacifique et non politisé. Il a ses traditions vestimentaires et alimentaires, ses codes sociaux de relations entre les hommes et les femmes, entre les générations. Tout cela structure fortement une authentique IDENTITE...Faut-il le préciser, qaui est sans rapport avec la réalité française métropolitaine. Il est important de saisir que ce contexte ne saurait être assimilé à celui des Antilles, de la Guyane, voire même de la Réunion, dont la génèse historique est radicalement différente.
Au demeurant, les Mahorais sont exrêmement hospitaliers, accueillants et "gentils", ouverts à l'échange et prêts à partager leur destin historique avec la France.
Il existe ici un fort potentiel de développement, et une élite brillante, résolument tournée vers la marche du siècle, mais cependant toujours soucieusede préserver comme un trésor l'identité mahoraise, la dignité de cette petite "nation" insulaire, sa liberté et ses intérêts. Il serait absurde et dangereux de sous-estimer son potentiel de résistance et de lutte très violente contre toute forme d'asservissement, d'inféodation ou d'oppression. L'âme mahoraise est fière, et n'acceptera aucune humiliation, aucune intimidation.
Aussi il est particulièrement déplorable e voir les grands profiteurs de la grande distribution française répéter ici les mêmes stratégies coloniales que par le passé. N'est-ce pas le Commerce qui a organisé les colonisations sanglantes, esclavagistes et génocidaires dont l'histoire des peuples témoigne sur toute la planète, et encore aujourd'hui?
La France applaudit lorsque les Tunisiens, les Lybiens, les Egyptiens secouent le joug, mais depuis 18 jours que la population mahoraise s'insurge pour desserrer l'étau de vie chère par laquelle la grande distribution française l'exploite et l'asphyxie de manière éhontée, la seule réponse du Gouvernement français consiste à envoyer ses gendarmes et ses CRS gazer et matraquer les manifestants. Les forces de l'ordre de la République s'en sont même pris aux Maires de l'île qui, écharpe tricolore ceinte, effectuaient une marche pacifique en soutien à leurs administrés.
Suite à ce dérapage grave dont ils se sont indignés à juste titre, les élus mahorais ont demandé le départ du Préfet.
Un gendarme français a dégainé son fameux flash-ball de sinistre renommée, et a énucléé un petit garçon mahorais âgé de 9 ans, lui occasionnant en même temps de graves fractures au visage. L'enfant est actuellement hospitalisé à La Reunion. Ah ! Quel acte héroïque ! Est-ce ainsi que notre pays pense pouvoir se faire aimer de nos compatriotes mahorais? En éborgnant leurs enfants avec des armes léthales??? On est d'autant plus choqué de cette bavure barbare lorsque l'on sait à quel point les enfants d'ici sont gracieux et sympathiques, et comme la vie leur est déjà une épreuve.
Certes, la population érige des barrages partout dans l'île, et contraint les commerces à la fermeture, s'assurant par ce moyen que la grêve est effective. Qu'on les blâme de ce type d'action, mais aussi, que l'on nous dise quel choix leur est laissé pour se faire entendre et pour se faire respecter. Que l'on nous explique aussi pourquoi nous célébrons la prise de la Bastille...
Le préfet est bien dans son rôle de Beau Parleur institutionnel de haut niveau, formé aux subtiles ( perfides? ) habiletés de la langue de bois. Il lanterne les négociateurs syndicaux, jouant la montre au bénéfice des patrons de la grande distribution qui "ont les reins solides", peuvent "tenir" des mois et préfèrent la perte momentanée de quelques sousà un réajustement des prix qui remettrait juridiquement en cauce leurs privilèges, grévant leur marge extravagante. Ils espèrent aussi diviser le corps social et ceréer une situation intenable pour la population, qui affamée et privée de tout serait en quelque sorte prise à son propre piège. Il est à craindre également que le patronnat mette un point d'honneur ( d'orgueil ) à ne pas faire de concessions significatives.
Depuis 18 jours que dure ce combat social,le ravitaillement est devenu très problématique. L'achat de carburant relève de la conquête de la toison d'or. Il est bien certain que l'institution joue là avec le feu. Le gouvernement au plus haut niveau n'a cure du sort des Mahorais ( quelque soit d'ailleurs leur origine ethnique, car il y a ici beaucoup de métropolitains, les "mzoungous", comme l'on dit ). A ce propos, il était particulièrement blessant pour les Mahorais de constater qu'une grande surface de Kawéni a été ouverte sous la protection de la gendarmerie pour que SEULS DES MZOUNGOUS en catimini puissenty faire des emplettes colossales ! ! !
Le responsable, c'est bien évidemment le Chef de l'Etat qui fait le tout puissant partout sur la planète en espérant un nouveau sacre en 2012, provoquant ici les Russes sur la question de la Géorgie, là les Turcs sur le problème du génocide arménien, là le colonel Khadafi dont il cherche le défaite humiliante à l'instar du sort que Bush avait réservé au Président Saddam Hussein. Là enfin, il s'en prend au Président Amadinejad...
Le préfet de Mayotte n'est qu'un exécutant talentueux, soumis à la Secrétaire d'Etat aux Dom qui a préféré le mutisme, la langue de bois, et une expédition à Saint Pierre-et Miquelon quand le torchon brûlait à Mayotte, avant d'opérer un voyage-commando éclair sous bonne garde dans l'île aux makis. Mais elle-même est tenue en laisse par le Minstre de l'Intérieur, lequel est strictement soumis au Raïs de l'Elysée.
Le discours de la dame sur les ondes mahoraises fut à l'image de sa triste harangue au Palais Bourbon, devant la Représentation Nationale, en réponse ( pseudo-réponse ) à un député de l'opposition. Sa diatribe quasi hystérique, chef d'oeuvre de la langue de bois, relevait de la saynète de type "story telling", et n'avait rien de cet admirable feu rhétorique qui animait les interventions mémorables de la célèbre élue de Guadeloupe. Elle a profondément déçu l'ensemble de la population mahoraise, donnant de la France une image pitoyable et détestable. Le scénario était: "Il faut sauver le préfet Degos". Il faut rappeler en effet, que la population mahoraise digne et déterminée, avait montré sa cohésion et sa force par une manifestation de masserassemblant 15.000 personnes à Mayotte le jeudi 13 octobre. La Secrétaire d'Etat à qui ici on attribue le titre de Ministre a simplement rappelé la mise en place du RSA; promettant de surcroit pour 60.000 personnes indigentes l'aumône de bons d'achats permettant une réduction de 5 ¤ sur certains produits...On croit rêver ! ! ! Nous voilà revenus dans ce jeune département français aux pratiques de la deuxième guerre mondiale !
Les mahorais ont reçu cette annonce comme une véritable giffle, faisant d'eux des mendiants de la république, insultés et humiliés.
A quoi faut-il donc s'attendre maintenant? La grêve est maintenue. Le mouvement se dircit. Les négociations se poursuivent, au moins formellement. Une grande manifestation est programmée pour le mardi 17 octobre prochain.
Mayotte se trouve dans l'Archipel des Comores, dans l'Océan Indien, à 10.000 kms de la Métropole, un contexte géopolitique incontournable. La France commence à décevoir. Elle prend le risque de décevoir jusqu'à se faire haïr. Faut-il rappeler que l'Algérie a été un département français pendant 132 ans...Et après ?
Nos dirigeants feraient bien de réfléchir. En effet, comme l'indique le détachement de la Légion Etrangère placée en "sentinelle avancée dans l'Océan Indien", les Forces armées de la Zone de l'Océan Indien jouent un rôle stratégique majeur, eu égard au transit très important du pétrole qui s'effectus par la route du Cap, en Afrique du Sud, via le Canal de Mozmbique. Une partie de l'approvisionnement de la France en dépend.
Par ailleurs, mise en service à MAYOTTE, en 2000, la station française du réseau satellitaire d'espionnage des communications joue un rôle de premier ordre de "GRANDE OREILLE" "permettant de contrôler la quasi totalité des appels téléphoniques, e-mails, SMS ou fax échangés sur la planète"
A chacun de conclure. La Secrétaire d'Etat est repartie sous les huées de la foule. Beau résultat. La France veut-elle voir les familles mahoraises chercher leur nourriture sur les tas de détritus non collectés comme le font les poules sauvagez? Ou cherche-t-elle à condamner une partie de la population à vivre dans des cabanes de tôle, se nourrissant de racines, de manioc, de bananes et de fruits sauvages, de hérissons;, de makis, en ne consommant de la viande qu'une fois par mois?
Il faut souligner la qualité des représentants syndicaux et des élus mahorais qui ont fait preuve dans ce conflit d'une exceptionnelle maturité politique et sociale, d'une vraie maîtrise des problématiques,d'un sens aigü de leurs responsabilités, de calme, et de pondération.Ils ont su contenir la colère populaire sans trahir leur mandat.
source (sans la photo) : mediapart
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