COMORES : Mayotte, la révolte d'une désillusion.

Le 27 septembre dernier, une manifestation contre la vie chère dégénérait,engageant la petite île de Mayotte dans un vaste mouvement de protestation. A quelques jours de noël, un accord de fin de conflit a finalement été signé. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Car au delà de la question du pouvoir d'achat, c'est tout le désenchantement des Mahorais vis-à-vis du processus de départementalisation qui s'exprime.

 

Mayotte, petit bout de terre de 376 km2, est « théoriquement »  l'une des quatre îles qui composent l'archipel des Comores (aux côtés de Mohéli, Anjouan et de la Grande Comore). Notez bien l'atténuation, car en réalité l'unité de l'archipel a été rompue en 1976 lorsque, à l'issue d'un référendum d'autodétermination, seuls les Mahorais ont exprimé le souhait de maintenir leur île sous souveraineté tricolore. Probablement de peur de se voir marginalisés dans un système dominé par la Grande Comore.

L'île demeure donc française alors que ses voisins accèdent à l'indépendance. Ce tracé de frontière artificiel n'est cependant toujours pas reconnu par l'Union des Comores, qui revendique la souveraineté du territoire. Elle est soutenue en ce sens par l'Union Africaine et l'ONU, car une telle division d'archipel est illégale au regard du droit international.  Depuis maintenant 35 ans, l'hexagone fait fi des résolutions et avis – non contraignants – adoptés par ces institutions. On aime à fouiner dans les affaires intérieures des autres, se présenter comme le pays des droits de l'homme, mais qui y croit encore aujourd'hui ? Le référendum de 1976 était irrégulier. Il n'aurait pas du être validé, ni même organisé.

Résultat : la dilapidation d'un patrimoine culturel commun à l'archipel, et une position méprisante de Mayotte vis-à-vis du reste de l'Union des Comores.

Sous l'influence française, Mayotte prend des allures de démocraties, alors que les dictatures se maintiennent aux alentours. Les écarts de développement ne cessent de se renforcer, créant un fossé au niveau régional. Rien de surprenant alors à ce que l'immigration clandestine y explose. Les bidonvilles qui essaiment sur l'île attestent de l'incapacité du territoire à faire face à une croissance démographique excessivement élevée du fait d'un fort taux de natalité  et de cette immigration massive. Pourtant, M. Sarkozy et son acolyte y travaillent ! Ce sont près de la moitié des reconduites à la frontière exécutées sur le sol français qui ont lieu à Mayotte. Quand on connait le régime d'expulsion des étrangers en situation irrégulière (et de plus en plus des étrangers en situation régulière) pratiqué en métropole, on peut s'en douter : sur une petite île de l'Océan indien, c'est pire. Autant dire qu'il est préférable de sortir muni de ses papiers, car l'expulsion est quasi-immédiate et aveugle au droit.

Les relations tendues entre la France et Mayotte d'un côté, et l'Union des Comores de l'autre, paralysent assurément toute coopération en matière d'immigration ou de développement. Une amélioration des systèmes de santé alentours, ce sont autant de personnes qui n'auraient pas à se déplacer pour accéder aux soins.

 

Le 31 mars 2011, Mayotte obtenait le statut de département français, plébiscité un an plus tôt par plus de 95% des votants. Mais cet enthousiasme est précaire. Dès l'automne, des manifestations paralysent l'activité de l'île. D'importants mouvements de contestation voient en effet le jour contre l'augmentation du coût de la vie. Des magasins sont pillés et brulés, des barrages sauvages sont montés. Si bien qu'il devient difficile de s'approvisionner, et que certains médecins doivent être acheminés vers leur lieu de travail par bateau.

Ces revendications sont fondées. Trois groupes (français) se partagent le marché de la grande distribution sur l'île et se concertent sur le niveau des prix. Cependant, la question est la suivante : Pourquoi le mécontentement perce-t-il maintenant ?

En votant en faveur de la départementalisation, les Mahorais pensaient accéder directement à un niveau de vie semblable à celui d'un pays développé. Ils espéraient, en devenant citoyen français, accéder à l'Eldorado. On peut les taxer de naïveté. Certes. Le problème, c'est que ce sont les autorités françaises elles-mêmes qui entretiennent cette ignorance depuis des années. Ce pour maintenir l'île sous leur contrôle. Ces révoltes sont l'expression de la prise de conscience par les Mahorais qu'ils ne sont toujours pas considérés comme égaux aux Français de métropole. On fait pour eux et on  ne leur explique rien. Héritage d'une longue histoire de colonisation.

 

Plus vraiment Comoriens, pas vraiment Français, les Mahorais ont des raisons d'être désemparés. L'accord de fin de conflit, qui prévoit notamment la baisse des prix de 11 produits de premières nécessités, va apaiser les tensions un temps, en répondant aux nécessités pratiques des habitants. Mais il ne fait que voiler le malaise. Peut-être serait-il temps de faire participer les locaux au processus. Et pas uniquement dans la forme.

Source : lnews.fr