Pour la énième fois, il est imputé à un fonctionnaire muté à Mayotte, des propos malveillants à l'encontre des Mahorais. Et pour ne s'arrêter que sur la dernière perle en date, il importe de rappeler que le vice-recteur reproche à nos jeunes leur "accent" local et leur enjoint de renoncer à ce particularisme linguistique sous peine d'une pénalisation aux épreuves orales des concours nationaux. Cette déclaration péremptoire est non seulement dépourvue de tout fondement, puisqu'elle ne repose sur aucune instruction ministérielle ni sur aucun précédent concret, mais encore gravement anti-républicaine.
En effet, Mayotte et sa population se caractérisent par de nombreux handicaps, retards et autres particularismes soulignant leur singularité. Cependant, la République leur reconnaît expressément et la qualité de composante à part entière de notre pays et la pleine citoyenneté, conformément au principe fondamental d'égalité devant la loi. Dès lors, cette bévue est profondément anticonstitutionnelle. Il suffit pour s'en convaincre de se référer aux articles 1er, 75 et 75-1 de la Constitution qui consacrent la primauté de l'idéal d'égalité, le droit au statut civil de droit local mahorais et l'appartenance de nos parlers locaux au patrimoine national. De plus, ce propos insensé est irrémédiablement non-conventionnel dans la mesure où il est contraire aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires qui, elles, imposent la préservation du pluralisme culturel et linguistique dans les pays européens.
Compte tenu du titre officiel de l'auteur de ce dérapage verbal, c'est purement et simplement l'Education nationale elle-même qui trahit, dans notre île, sa vocation première si bien rappelée par le préambule de la Constitution de 1946. Ce contresens est inadmissible car le propre de ce service public réside dans la transmission aux nouvelles générations des valeurs d'égalité de tous les citoyens et de respect mutuel qu'ils se doivent, quel que soit leur origine, leurs conditions économiques et sociales, leurs croyances ou leur lieu de résidence en centre ville, en banlieue ou ailleurs outremer. Outre cette illégalité manifeste, le propos dénoncé traduit incontestablement, au-delà de la sempiternelle condescendance de certains fonctionnaires en service dans l'île, un véritable mépris des Mahorais.
Viendrait-il à l'esprit d'un recteur d'académie, où qu'il se trouve sur le territoire national, de reprocher aux élèves leur accent régional ? Alors pourquoi certains se permettent-ils ici de telles désobligeantes agressions à l'encontre de nos enfants, alors qu'ils ne remarquent même pas l'accent si particulier du Sud-Ouest colporté par des jeunes fraîchement débarqués dans notre île avec leurs parents ?
Compte tenu de cette tendance à dénigrer systématiquement la population de ce territoire, force est de souligner que Mayotte constitue dorénavant une collectivité unique de l'article 73 de la Constitution. Dans ce cadre, parce que le droit commun reste la règle, personne de doit ignorer que les Mahorais ont les mêmes droits que n'importe quel compatriote français. La départementalisation engagée ici n'implique aucunement l'assimilation, d'ailleurs jamais réalisée en Métropole ou quelque part outremer, tant et si bien que partout les langues régionales demeurent usitées et enseignées, avec l'accent du crû s'il vous plaît, par l'ensemble des écoles de notre République, à l'exception notable de celles de Mayotte.
De plus, le nouveau statut de l'île, loin de prôner l'uniformité, restaure au contraire notre droit à la différence en nous concédant le pouvoir d'exiger des adaptations, des dérogations et même des habilitations à légiférer, nous-mêmes, dans certaines matières.
L'heure est donc venue de réclamer un total respect de la population de Mayotte aux agents publics à son service.
A cet effet, je propose à l'ensemble de la population de notre île, et spécialement aux élus ainsi qu'aux formations politiques, de soumettre à l'Etat une proposition d'habilitation du conseil général à réorganiser le statut civil de droit local afin de remédier rapidement à cette déplorable situation en mettant en valeur l'identité mahoraise.
Abdoulatifou Aly, député de Mayotte
Le 8 juin 2011
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