On pourrait mettre ce silence sur le compte des vacances. Au moins 58 personnes ont péri dans le naufrage d'un bateau aux Comores - avec peut-être une centaine de disparus - et bien peu de voix s'émeuvent de cette catastrophe touchant un pays voisin. Un silence qui met mal à l'aise. Encore plus à un moment où l'on célèbre la fraternité entre les peuples de l'océan Indien lors nos jeux Olympiques régionaux. A la Réunion, il n'y a donc que Nassimah Dindar à avoir eu, trois jours après le drame, des mots de soutien et de condoléances à l'égard des familles comoriennes. On ne sera pas rassuré en apprenant que l'ambassade des États-Unis aux Comores, installée à Antananarivo, a été plus prompte à proposer son aide.
Cette absence de compassion détonne d'autant plus quand on connaît la capacité de beaucoup d'élus, responsables d'associations et autres personnalités à s'emparer de polémiques stériles ; leur facilité à voler au secours de la victoire. Tout se passe comme si le naufrage d'un bateau de passagers à côté de chez nous et la mort de dizaines de personnes relevaient de la triste banalité. Il n'y aurait finalement rien de révoltant. Ce discours fataliste est inacceptable par ce qu'il sous-entend. Quand un bateau coule aux Comores, on se trouverait dans l'ordre des choses. La faute à l'incurie des autorités comoriennes. Il est vrai que si ce naufrage a fait autant de morts, c'est avant tout parce que les compagnies de transport ne sont jamais contrôlées par l'État comorien. Que celles-ci peuvent faire ce que bon leur semble afin d'engranger de plus gros profits. Et cette logique économique consistant à faire voyager un maximum de personnes sur des embarcations de fortune a déjà maintes fois endeuillé l'archipel.
Cette réalité est incontestable. Mais toutes ces explications sur l'indigence de contrôles en matière de transport maritimes et l'état du navire ne peuvent justifier cette indifférence dans notre île. La cascade de défaillances ayant provoqué ce drame là-bas ne peut faire admettre ce silence observé chez nous. Au final, ce manque d'empathie n'est-il pas provoqué par un regard condescendant ? On a tort de culpabiliser les Comores, et plus généralement l'Afrique, pour sa légendaire anarchie. La crise boursière démontre que l'irrationalité et la pagaille ne sont pas l'apanage des pays les plus pauvres. Difficile d'admettre, en effet, que de folles rumeurs puissent affoler à ce point les bourses occidentales, rapprocher l'économie mondiale du désastre, et montrer que les tout-puissants dirigeants du G7 sont des rois nus
Jérôme Talpin
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